Wo xin chang dan

La paille et la bile

Faire preuve d’une grande patience ou endurer des privations qu’on s’impose est l’une des vertus les plus appréciées des Chinois quand quelqu’un tente d’atteindre un objectif. D’ailleurs, la langue chinoise possède de nombreux proverbes qui font l’éloge de cette qualité. Le plus connu est Wo xin chang dan, ce qui signifie : « Dormir sur la paille et goûter à la bile. » Ce proverbe remonte à la période des Printemps et Automnes (770–476 av. J.-C.). À cette époque, l’État de Yue était en guerre contre l’État de Wu et le roi de Yue fut capturé par son ennemi.

Durant sa captivité, le roi « ravala son humiliation » et travailla dur comme chevalier pour le souverain de l’État de Wu. C’est ainsi que trois ans après sa capture, il fut relâché et on lui permit de rentrer dans son pays, l’État de Yue. Après son retour, le roi refusa de vivre dans son palais. Avec de la paille, il se fabriqua un lit qu’il installa dans une maison délabrée. Au milieu de cette maison, il suspendit la vésicule biliaire d’un porc. Chaque matin et chaque soir, le roi s’efforçait de boire de la bile et se posait une question : « As-tu oublié l’humiliation nationale? » Il répondait alors toujours la même chose : « Non, je ne l’oublierai jamais. »

Le roi avait intentionnellement adopté ce mode de vie difficile pour garantir que sa détermination à se venger serait de plus en plus ferme. Parallèlement, il prit des mesures pour mettre son plan à exécution. Après avoir recruté une équipe de conseillers de premier ordre, il fit en sorte d’améliorer l’économie du pays et d’entraîner une armée. Puis, afin de mettre en confiance ceux qui l’avaient capturé, il ne cessa de leur envoyer des présents de grand prix (belles femmes, pierres précieuses, chevaux de race, etc.). Il laissa passer de nombreuses années, mais quand il en eut l’occasion, le roi de Yue lança une offensive d’ensemble, et en quelques jours, l’État de Wu fut conquis.

Aujourd’hui, cette histoire relatant la détermination inébranlable et la retenue du roi de Yue est enseignée dans à peu près toutes les écoles primaires. De plus, de nombreux romans, articles ou pièces de théâtre en font l’éloge.