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Le blog de Xiu
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8 juin 2008

Naissance d’une solidarité entre travailleurs migrants

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Sun Heng dans le « Musée culturel des travailleurs migrants » qu’il a fondé---------------------- ---- Li Yahong

Sun_Heng_dans_le___Mus_e_culturel_des_travailleurs_migrants___qu_il_a_fond_Les travailleurs migrants tentent de s’organiser au mieux pour survivre. Parmi eux, Sun Heng est l’un des plus actifs. Grâce à ses initiatives, une solidarité a émergé entre ces travailleurs déracinés.

IL n’est qu’un simple nongmingong (travailleur rural). Pourtant, Sun Heng est devenu responsable du « Foyer des travailleurs migrants » de Beijing. Par ailleurs, il a fondé le « Centre du développement culturel du Foyer des travailleurs migrants » et l’« École expérimentale Tongxin » ; son « Musée culturel des travailleurs migrants » ouvrira bientôt ses portes. Tous sont concentrés dans le village de Picun, dans la banlieue nord-est de Beijing, aux confins des arrondissements Chaoyang, Tongzhou et Shunyi. Ce village n’est situé qu’à une trentaine de kilomètres du centre-ville de la capitale. Pourtant, la plupart des citadins en ignorent l’existence.

Devant_le_mus_e_culturel_de_Chaoyang
Devant le musée culturel de Chaoyang (Beijing), le Groupe artistique des jeunes travailleurs migrants donne des représentations pour les ouvriers migrants travaillant sur les chantiers des alentours. Sur la photo, spectacle de chants d’élèves d’une école pour enfants de travailleurs migrants.

Une surprenante cohabitation dans le village

De taille moyenne, le village de Picun ne compte actuellement que quelque 2 000 habitants. Autrefois, attachés à leur terre, les habitants vivaient de l’agriculture. Aujourd’hui les jeunes désertent la campagne. « Les jeunes sont allés travailler en ville où ils achètent un logement. Les personnes âgées restent au village pour garder la maison ou la louer », explique Sun Heng. Presque tous les villages de banlieue connaissent le même sort. Ce qui frappe le plus encore est le petit nombre de ces villageois par rapport aux 10 000 nongminggong arrivés sur les lieux. Cette nouvelle population est environ cinq fois plus nombreuse que la population locale. Mais Picun est loin de connaître la plus forte concentration de travailleurs migrants à Beijing. Le quartier Xiaojiahe, dans l’arrondissement Haidian, compte près de 4 000 habitants, pour 20 000 à 30 000 travailleurs migrants. D’après Li Yijie, travailleur dans le quartier Andou, près de l’aéroport de Xiamen (province du Fujian), son quartier compte
2 000 habitants, pour 50 000 travailleurs migrants. Cette situation dans les villages de banlieue est monnaie courante à Shenzhen, Guangzhou et dans d’autres villes. Les ruraux autochtones louent leur maison aux travailleurs migrants. Paradoxalement, les nouveaux arrivants transforment les habitants locaux en « citadins ». Grâce à la location de leur maison, les anciens paysans n’ont plus besoin de travailler.

À l’entrée du village se dresse une décharge publique délimitée seulement par des briques, au milieu de rafales de poussières. « Ne négligez pas cette décharge, elle nourrit pas mal de travailleurs migrants qui vivent dans ce village », fait remarquer Sun Heng. Selon lui, les nongminggong de Picun, originaires du Henan, de l’Anhui et du Sichuan, jouent des rôles différents dans chaque maillon de la filière de retraitement des ordures : récupération, triage, traitement et recyclage.

Sur_un_chantier_de_Beijing
Sur un chantier de Beijing, les jeunes jonglent au ballon de football lors d’un concours.

Toutes les maisons sont en brique rouge. Celles qui disposent d’une grande cour sont prêtées à des petites usines ou servent d’entrepôt pour certaines entreprises. à l’entrée de l’usine, un panneau métallique porte un numéro de téléphone destiné aux demandeurs d’emploi. D’après les locataires, le loyer a au moins doublé par rapport aux années précédentes. Et pour les boutiques de la rue, le loyer devrait encore augmenter. Les travailleurs migrants n’ont pas d’autre choix que de l’accepter. La seule façon d’avoir un loyer moins élevé est de louer une seule pièce pour la partager soit avec sa famille – même avec trois ou quatre membres –, soit avec d’autres personnes.

Dans la rue, il arrive de rencontrer des jeunes, en groupe de trois à cinq, qui se pavanent en jean et pantoufles. « Certains sont des ouvriers de nuit, d’autres viennent d’arriver et n’ont pas encore trouvé de boulot. » De part et d’autre de la rue la plus animée du village s’alignent des petits magasins, des salons de coiffure et des petits restaurants. Les groupes de travailleurs migrants changent progressivement, certains de ces travailleurs ont loué une boutique pour faire du commerce ; leurs anciens collègues de travail forment leur clientèle cible.

Éradiquer la pauvreté par l’instruction

En 1988, Sun Heng était professeur de musique dans un lycée de Zhengzhou, chef-lieu du Henan. Lassé de cette vie monotone, il a décidé de chercher un travail à Beijing, où il réside maintenant depuis dix ans. « J’ai été porteur, conducteur de tricycle et représentant de commerce. » Il a même été chanteur guitariste dans les passages souterrains. « Comme j’ai été en contact avec beaucoup de travailleurs migrants, j’ai pu ressentir profondément leurs souffrances, dit-il, car auparavant, je ne les connaissais que par l’intermédiaire des médias. On les présentait comme des marchands peu soucieux des règles et qui défigurent la ville.

Des élèves d’une école pour enfants de travailleurs migrants à Nanjing

Des__l_ves_d_une__cole_pour_enfantsJe réalise de plus en plus que je ne suis pas seul. Rien qu’à Beijing, nous sommes 4 millions de travailleurs migrants. » Sun Heng se dit alors qu’il doit faire quelque chose pour eux. Il décide alors d’aller à la rencontre des nongminggong sur les chantiers et de leur chanter non pas des chansons en vogue, mais des chansons de sa composition qui évoquent leur propre vie. Ces chansons trouvent un écho immédiat chez les travailleurs migrants. En 2002, avec des amis qui partagent le même idéal, il crée le Groupe artistique des jeunes travailleurs migrants. Ensemble, ils donnent une centaine de représentations bénévoles. Cela ne s’est pas fait sans obstacle. Des patrons ne croyaient pas à la gratuité de leur représentation, d’autres demandaient à leurs ouvriers de ne pas y assister, car ils devaient faire des heures supplémentaires.

« La vie culturelle des travailleurs migrants est très monotone. C’est moins le cas pour les jeunes qui dépensent leur argent pour faire du shopping ou dans les cybercafés pour surfer sur Internet. Mais les personnes plus âgées, elles, préfèrent passer leur temps libre à dormir », raconte Zhang Bin. Originaire du Shaanxi, il a intégré le « Foyer des travailleurs migrants » à Xiamen, en tant que volontaire, rencontrant ainsi de nombreux nongminggong venus de tous les coins du pays. Selon lui, le département public du travail a offert aux nonminggong de nombreuses activités culturelles, dont un stage gratuit et une visite gratuite des sites touristiques. Mais tous les travailleurs migrants n’en bénéficient pas forcément. « Le gouvernement diffuse ces informations à la télé ou dans des journaux, mais la plupart des travailleurs migrants n’ont pas de télé là où ils habitent. » Le « Foyer des travailleurs migrants » de Xiamen a proposé des stages informatiques gratuits auxquels ont participé de nombreux ouvriers ruraux. Plus de 80 % des travailleurs migrants ont la vingtaine d’années. «Ils espèrent apprendre des techniques qu’ils pourront immédiatement utiliser. » Par conséquent, les stages d’anglais, faute d’élèves, ont dû être annulés.

Sun Heng s’est fait peu à peu connaître grâce à ses représentations; il est même sorti de Beijing. « En fait, donner des représentations gratuites ne suffit pas. Beaucoup de travailleurs migrants demandent, en serrant mes mains, ce qu’il faut faire s’ils ne peuvent pas toucher leur salaire », avoue-t-il. Face à ces nouveaux problèmes, avec son « Foyer des travailleurs migrants », il a organisé des stages gratuits sur les lois destinés aux travailleurs migrants et a créé une bibliothèque et une salle de projection de films. Ils ont également reçu de l’aide de l’ONG Oxfam de Hong Kong. Cette année, le « Musée culturel des travailleurs migrants », qu’il a mis en place, ouvrira ses portes. Ancien atelier désaffecté, le musée a été loué et rénové grâce à l’intervention des travailleurs migrants bénévoles après leurs heures de travail. Sun Heng reconnaît qu’il n’y aura pas beaucoup de citadins à venir le visiter, à cause de son trop grand éloignement, mais il espère le faire connaître davantage à travers Internet.

L’École expérimentale Tongxin, fondée en 2005, doit permettre de scolariser les enfants du quartier. « Au début, nous pensions accueillir 50 enfants, finalement, ils étaient une centaine. » Maintenant, l’école compte près de 400 élèves, de la maternelle à la 6e année du primaire, et de nombreux enfants viennent d’au-delà du quartier. Les pupitres, les chaises et les ordinateurs proviennent tous de dons communautaires. « Les maîtres sont tous venus d’autres provinces, nous ne pouvons payer chacun que 800 yuans par mois, car les habitants locaux ne veulent pas remplir ce travail. »

« Le meilleur que l’on peut souhaiter à une école d’enfants de nongmingong est de durer. » Jusqu’à présent, comme c’est le cas pour 200 autres établissements du même genre, l’École expérimentale Tongxin est une « école noire », sans autorisation. Mais pour les parents et leurs enfants, du moment qu’il y a une école à fréquenter, ce problème leur importe peu. Dans les conditions actuelles où les écoles publiques sont incapables d’accueillir les 200 000 enfants des travailleurs migrants, le département de l’éducation a finalement accepté ces écoles pour enfants de travailleurs migrants. Sun Heng a entendu dire que le gouvernement allouerait près de 100 millions de yuans pour l’amélioration de l’enseignement des écoles primaires et secondaires, donnant ainsi un avenir assuré pour ces écoles.

Dans tout le pays, des dizaines d’organisations non gouvernementales comme le « Foyer des travailleurs migrants » s’intéressent au sort des travailleurs migrants. Elles les aident dans différents domaines comme l’intégration dans la ville, la culture de quartier, les stages techniques et l’aide juridique. Les personnels de ces organisations sont presque tous issus de la campagne, la plupart d’entre eux ont été travailleurs migrants. Il y a cependant des étudiants, des professeurs et des avocats qui sont bénévoles épisodiquement, leur contribution est très importante.

« Les classes ont été construites grâce aux bénévoles. Les étudiantes ont elles-mêmes transporté des briques pour bâtir les murs, n’est-ce pas touchant ? »

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