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Le blog de Xiu
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24 février 2008

La symbolique du repas

Quand les Chinois se rencontrent, ils parlent rarement de la pluie ou du beau temps. Autrefois, ils demandaient le plus souvent à l’autre personne : « Avez-vous mangé? » Aujourd’hui, cette façon de saluer a été remplacée par un simple « Bonjour », mais on pose encore cette question entre voisins et vieux collègues. Cela démontre bien à quel point manger est important dans la vie des Chinois. Hummmm

La bonne chère a gagné la faveur des jeunes filles.

«À la vue d’un festin, le regard d’un Chinois ressemble parfois à celui d’un Occidental qui aperçoit une belle femme », déclare l’écrivaine Fang Fang. Selon elle, la Chine est un pays ayant une grande culture alimentaire, et comme la conception traditionnelle de la sexualité a relativement étouffé les relations entre hommes et femmes, l’attention de tous s’est concentrée sur le fait de manger.

Bien sûr, on tient ces propos un peu à la blague. Pourtant, pour qualifier la beauté d’une fille, la langue chinoise a vraiment des mots ayant trait à la nourriture. Par exemple, xiuse kecan veut dire qu’une fille est belle à croquer. Selon la conception traditionnelle chinoise, l’exigence la plus élevée pour une femme était qu’elle soit capable de recevoir des invités et de faire la cuisine. En somme, les femmes devaient être belles et savoir préparer de bons plats.

La culture alimentaire

Peu avant la fête du Printemps, la mère de Kong Fanying a commencé à préparer des plats pour le dîner de la veille du Nouvel An chinois. « C’est certain qu’il y aura des boulettes de viande », dit-elle, en plaisantant. En fait, ce n’est pas une coutume unique à sa famille, car la veille de la fête, on trouve des plats comportant des boulettes sur la table de presque toutes les familles chinoises. Mme Kong n’aime pas les boulettes, mais cela ne l’empêche pas de suivre la coutume de sa mère et d’en préparer pour la fête. Pour les Chinois, ces boulettes rondes signifient « réunion » ou « rassemblement », ce qui correspond aux bons souhaits qu’on offre à la famille.

Ainsi, tout ce qui est rond est apprécié dans les banquets chinois. Pendant les jours de fête, en Chine du Nord, le plat des « quatre boulettes du bonheur » est présent sur la table lors des rencontres familiales, alors qu’en Chine du Sud, les boulettes de riz glutineux fourrées à la confiture ou farcies à la viande sont un mets indispensable.

Chaque Chinois peut citer le nom d’aliments et de plats ayant une signification de bon augure, dont le poisson et les nouilles. En chinois, le mot poisson se prononce comme le mot « surplus » et signifie vivre dans l’abondance d’une année à l’autre. Voilà pourquoi un plat de poisson se retrouve sur la table de chaque foyer la veille du Nouvel An chinois. Quant aux nouilles chinoises, comme elles sont les aliments les plus longs, elles symbolisent la longévité. Lors d’un repas d’anniversaire, même si les gâteaux à l’occidentale occupent déjà une place certaine, ils ne peuvent pas totalement remplacer le bol de nouilles qui vient couronner le repas et exprimer les souhaits de longévité.

Quand la vie est plus aisée, ce n’est pas tant le contenu du repas qui a de l’importance, mais l’ambiance à la table et le bonheur de la famille qui y est réunie. Dans le téléfilm Shouhou xingfu (Garder le bonheur), les cinq enfants d’une famille sont tous mariés et chacun est occupé par son travail. Chaque fois que les parents préparent une foule de plats pour les recevoir, personne ne vient manger. Le père est donc obligé de faire semblant d’être malade et de demander aux enfants de venir habiter avec eux, dans le siheyuan (maisons entourant une cour carrée). À la demande du père, les belles-filles, qui n’avaient jamais fait la cuisine jusqu’alors, commencent à tour de rôle à préparer le dîner pour toute la famille. Malgré les nombreux malentendus et les résistances, les relations familiales s’améliorent finalement.

La_noce_traditionnelle_de_Xiao_Tan_et_Xiao_Hong
La noce traditionnelle de Xiao Tan et Xiao Hong, deux jeunes cols blancs, dans une maison paysanne. Lors des cérémonies du banquet de noce ou du festin, bien arrosé d’alcool, tenu pour célébrer le premier mois d’un bébé, les participants doivent « montrer » leur affection.

C’est un téléfilm dont l’intrigue représente la conception typique des Chinois par rapport à la table et ce qu’elle leur inspire: si les gens peuvent manger dans une même marmite, c’est qu’ils sont proches les uns des autres. Voilà pourquoi le fait que chacun mange son assiettée est encore difficilement accepté, bien qu’on ait tenté d’implanter cette coutume depuis longtemps. Cette façon de faire a été mise en application au moment où le SRAS (symptôme respiratoire aigu sévère) a sévi, mais elle a été abandonnée dès la disparition de cette maladie. « Si tout le monde met ses baguettes dans une même assiette, cela évoque l’intimité des liens. »

C’est vrai que, pour les Chinois, le fait de manger n’est pas simplement le plaisir du goût: il peut être entremêlé de nombreux sentiments, par exemple filiaux, amicaux ou amoureux. Ainsi, quand une fille est amoureuse d’un garçon, elle va souvent consulter sa mère pour apprendre à préparer quelques bons plats. En effet, un dicton chinois dit : « Si l’on veut gagner le cœur d’un homme, il faut le prendre d’abord par l’estomac. » En d’autres mots, la femme qui sait bien faire la cuisine aura plus de charme aux yeux de son mari et pourra faire durer son mariage pendant longtemps. D’ailleurs, si une jeune femme invite un homme à déguster ce qu’elle a préparé, cela signifie, dans une certaine mesure, qu’elle a un faible pour lui.

Pour les Occidentaux, les Chinois semblent toujours un peu bruyants à table. Quand ils sont heureux de manger, ils parlent fort et gesticulent. Mais derrière cette animation, les règles de l’étiquette entourant un repas sont également nombreuses.

Bien_manger_est_source_de_joie
Bien manger est source de joie

Originaire du Shandong, pays natal de Confucius, Mme Kong est imprégnée de ce qu’elle a vu et entendu au cours de sa vie à propos des rituels à table. Le père est assis à la place principale (règle générale, celle qui fait face à la porte), la mère, à la deuxième place, et les autres places suivent l’ordre des générations. Le plus jeune s’assied à l’endroit situé le plus près de la porte ou du couloir. Ces règles ne concernent que la place à table, mais, il y a plus de 2 500 ans, Confucius croyait que le raffinement n’était jamais exagéré. Il insistait sur la nécessité d’avoir des ingrédients recherchés, d’utiliser le bon mode de préparation et de bien couper la pièce de viande. De plus, on ne se mettait pas à table si le porc ou le mouton n’avait pas été abattu selon les règles et si la table n’était pas bien dressée.

Il existe également des rituels similaires pour les banquets officiels. Étant donné que la façon dont les plats sont disposés est décidée par le restaurant, les clients n’ont qu’à respecter le rituel qui dicte l’endroit où l’hôte et les invités doivent s’asseoir. Règle générale, la place principale est réservée à la personne qui paie, et dans certains cas, il y a aussi une place destinée à la personne qui tient compagnie aux invités; elle est en face de la place principale. Bien sûr, selon les régions de la Chine, cette façon de faire peut varier un peu, mais ce qui ne change pas, c’est que les invités doivent agir entièrement selon l’arrangement qu’aura décidé l’hôte.

Aujourd’hui, beaucoup de gens vont au restaurant pour le repas de la veille du Nouvel An chinois, mais prendre un repas à la maison en famille reste le choix de la plupart des foyers chinois.

Ce qu’il faut savoir pour recevoir des invités

M. Chen, le mari de Kong Fanying, travaille dans une compagnie à capitaux étrangers qui est spécialisée dans les valeurs mobilières. Il lui arrive de temps à autre de participer à des réunions familiales chez son patron de nationalité étrangère, par exemple, lors de l’anniversaire de naissance de ce dernier ou à l’occasion de Noël. Dans ces moments-là, M. Chen apporte tantôt une bouteille de vin rouge, tantôt d’autres petits cadeaux ou seulement une carte. Son beau-père ne le comprend pas. En général, selon la coutume chinoise, ce sont les subordonnés qui invitent leur supérieur à manger pour chercher à se lier d’amitié avec lui; il est rare que le contraire se produise. Toujours selon ce beau-père, pour être présentables, les cadeaux offerts doivent avoir belle apparence et une valeur appréciable.

Pour les Chinois, éblouir par le faste et « sauver la face » constituent des éléments prioritaires au moment de recevoir des invités. Même aujourd’hui, de nombreux Chinois ne comprennent pas la façon plus décontractée qu’ont les familles occidentales d’inviter à manger, par exemple en servant tout simplement une salade et du jambon. En réalité, ce n’est qu’une différence de culture.

Dans la culture chinoise, traiter les autres avec respect lors des réceptions se manifeste d’abord par le raffinement et l’abondance des plats. Une chose a profondément impressionné Mme Kong : à l’époque où sa famille affrontait des difficultés économiques, sa mère avait emprunté de l’argent pour acheter de l’alcool et de la nourriture pour bien accueillir des parents venus de loin.

Pour les gens d’affaires, le savoir-faire en recevant des invités est particulièrement important. Si l’on mange bien, les affaires se régleront facilement : voilà une règle reconnue de tous. Ainsi, dépenser près de 10 000 yuans pour un repas est monnaie courante quand on veut mener à bien une affaire. Dans ce cas, manger à sa faim n’est pas important; ce qui l’est, c’est de choisir un lieu pouvant démontrer le bon goût de l’hôte. « Plus le niveau du repas est élevé, plus l’invité sent qu’on accorde de l’importance à la coopération mutuelle. » Par conséquent, l’affaire sera plus facile à conclure.

Selon certains, le « repas pour nouer des relations » constitue une composante importante du « marketing à la chinoise ». À cet égard, pour les compagnies chinoises, un budget relativement élevé en « frais de représentation » est indispensable dans le budget total. Encore aujourd’hui, inviter des gens à manger est considéré comme un moyen incontournable pour établir de bonnes relations.

Dettes de reconnaissance entourant les coutumes alimentaires

Dans beaucoup d’endroits de Chine, lorsqu’un bébé vient au monde, les amis et les parents viennent partager les « œufs rouges » (œufs à la coque colorés en rouge qui servent à exprimer des souhaits d’une vie heureuse). Puis, lorsque le bébé a un mois, on organise une fête et un banquet bien arrosé d’alcool. Quand cette personne atteint l’âge adulte, c’est à son tour d’accueillir les gens à son banquet de noce. Ces occasions de manger débutent donc dès la naissance d’une personne et se répètent de famille en famille et de génération en génération.

Lorsqu’un membre de la famille de voisins, d’amis ou de parents se marie et vous envoie une carte d’invitation, c’est qu’il vous tient en grande estime. Recevoir ce carton signifie que, lors de la noce, vous devrez apporter un « beau » cadeau. Les cadeaux offerts ont beaucoup changé selon les époques. Il y a des dizaines d’années, on se rendait à un banquet de noce en offrant simplement une housse de couverture ouatée ou un bassin. Aujourd’hui, les objets offerts en cadeaux ont presque tous été remplacés par l’« enveloppe rouge » (remplie d’argent).

La cérémonie de mariage de Mme Kong a eu lieu à Beijing. Toutefois, par la suite, elle est retournée spécialement au Shandong pour tenir une deuxième cérémonie, juste pour donner l’occasion aux amis et aux parents d’acquitter leur dette de reconnaissance. « Quand il y aura une cérémonie de mariage chez d’autres personnes, c’est certain que nous serons invités et que les cadeaux que nous leur offrirons auront une plus grande valeur que ceux que nous aurons reçus. » Les paroles de la mère de Mme Kong traduisent bien l’une des règles élémentaires : « À la courtoisie, il faut répondre par la courtoisie. »

Nouvel_An_chinois
Toujours plus de gens choisissent le restaurant pour passer la veille du Nouvel An chinois.

Selon des estimations, chaque année, pour chaque foyer, les dépenses consacrées aux célébrations de toutes sortes se comptent en milliers de yuans : mariage, naissance et premier anniversaire d’enfants d’amis, anniversaire de parents ou autres occasions de tenir des banquets. Dans les campagnes, ce genre de consommation est aussi en vogue. Dans ce cas, les dépenses annuelles totalisent des centaines de yuans, une grande proportion des revenus disponibles des foyers ruraux.

Lorsqu’il y a une cérémonie de mariage chez un supérieur, l’enveloppe rouge est beaucoup plus épaisse, car si l’on est « inscrit » auprès du supérieur, cela montre que les occasions de « mener à bien les affaires » seront plus nombreuses. Beaucoup de gens ont avoué que le « coût de revient » de la participation à un banquet donné par un supérieur est plus élevé que lorsqu’il s’agit de celui d’un ami ou d’un parent.

Des enseignants et des étudiants de l’Institut de gestion économique de l’Université d’économie et de commerce du Hebei ont mené une enquête auprès de trois universités locales. Les résultats montrent que, chez les étudiants, les dépenses encourues pour « rendre la pareille » sont aussi relativement élevées. Parmi les étudiants interrogés, plus de 90 % invitaient des amis lors de leur anniversaire, et à cette occasion, les frais étaient de l’ordre de 50 yuans à 300 yuans, parfois même jusqu’à 1 000 yuans. De même, ceux qui étaient élus à des postes de cadres estudiantins ou qui avaient obtenu une bourse devaient également offrir un repas pour ne pas avoir à subir le commentaire d’être peu amical ou humain.

Ces « bulles » de relations humaines sont désormais condamnées par certains. Par exemple, si quelqu’un a besoin de l’aide d’une autre personne, cela donne souvent lieu à une invitation à manger et à boire tout son soûl, même si cette personne ne fait pas partie des relations immédiates de la personne qui invite. On échange ses numéros de téléphone et son identification MSN, mais dès qu’on a quitté la table, on ne se fréquente plus. Il existe même un phénomène appelé pinchi. Des inconnus mangent ensemble dans un restaurant à l’initiative de l’un d’eux et partagent les frais. Comme manger seul n’est pas très agréable, à l’heure du repas, on appelle quelques personnes par Internet et le tour est joué. Certains disent qu’en pratiquant le pinchi, on peut manger plus et mieux pour moins cher; d’autres soulignent qu’on peut ainsi se faire beaucoup d’amis. Pourtant, tout le monde sait que ces rassemblements ne sont qu’un écran de fumée qui voile le vide de relations humaines...


Big-bisous à toutes et à tous. @+Domi&Xiu.ReporterchineXiu

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