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Le blog de Xiu
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8 mai 2009

La signification des pierres dans l’univers

La signification des pierres
dans l’univers chinois

Tout au long de l’histoire, les pierres ont joué un rôle important pour les Chinois. Et comme l’article nous le présente, ils ont parfois dû remuer Ciel et Terre pour les utiliser à leurs fins…

Dragon_propice
Dragon propice, l’une des peintures que l’empereur Huizong des Song a complétées pour son Atlas des pierres du lac Taihu.

L’HISTOIRE de l’humanité a commencé il y a des centaines de milliers d’années, quand nos ancêtres ont appris à façonner des outils à partir des pierres, se distinguant ainsi des autres singes anthropoïdes qui ne se servaient des pierres que pour casser la coquille des noix. En quelque sorte, les pierres ont marqué le début de l’évolution du genre humain. Leur rôle dans cette évolution témoigne également de l’affinité innée du genre humain avec son environnement.

Légendes à propos des pierres

Selon la mythologie chinoise, la déesse Nüwa modela l’homme et la femme à partir de l’argile. Peu de temps après cette création, une gigantesque catastrophe s’abattit sur le genre humain : Gonggong, dieu de l’Eau, combattit Zhurong, dieu du Feu, mais en vain. Pris de colère, Gonggong se frappa la tête contre le mont Buzhou, et une seconde plus tard, le mont explosa, la terre se fissura et le pilier qui se dressait entre elle et le ciel se brisa, faisant s’effondrer la moitié de ce dernier. De plus, ces phénomènes mirent le feu aux forêts et causèrent des crues qui inondèrent la terre. Voyant la ruine de l’environnement de vie de ses fils et de ses filles, Nüwa se montra si préoccupée qu’elle décida, en utilisant des pierres, de boucher le trou qui s’était ouvert dans le ciel. L’humanité fut ainsi sauvée du désastre.

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La « Cime encapuchonnée de nuages », du jardin Liuyuan de Suzhou

L’importance de la pierre dans l’évolution du genre humain est également démontrée ailleurs dans la littérature chinoise. Trois des « quatre plus grands romans classiques » chinois (Le Roman des trois royaumes, Au bord de l’eau, Le Pèlerinage vers l’Ouest et Le Rêve dans le pavillon rouge) s’ouvrent avec une histoire dans laquelle il est question de pierres. Au bord de l’eau, qui raconte les aventures d’un groupe de rebelles, se passe dans le contexte historique de la fin de la dynastie des Song du Nord (960-1127), alors que l’empereur Huizong mobilisa les ressources du pays pour extraire et transporter des roches et des pierres de fantaisie vers la capitale afin d’y construire son jardin impérial. Cette activité rendit la vie des gens du pays si misérable que beaucoup se révoltèrent contre la tyrannie impériale.

Le Pèlerinage vers l’Ouest présente le roi-singe Sun Wukong, conçu et né à partir d’une pierre surnaturelle. À l’origine, le roman Le Rêve dans le pavillon rouge était intitulé L’Histoire de la pierre. Ce dernier s’ouvre par la description de l’origine du protagoniste masculin, Jia Baoyu : une pierre multicolore, que la déesse Nüwa avait laissée derrière elle après avoir réparé le ciel, a acquis un esprit puisqu’elle avait absorbé l’essence du ciel et de la terre pendant des millénaires. Cette pierre s’est alors réincarnée comme être humain et est venue au monde comme petit-fils de la famille aristocratique des Jia. L’enfant est né avec une pièce de jade lumineux dans la bouche, témoignage de son existence antérieure, et c’est pour cette raison qu’il a été nommé Baoyu (Jade précieux).

Dans les temps anciens, les gens ne pouvaient pas distinguer l’émeraude, l’agate, le jade et d’autres pierres précieuses à partir de leur composition chimique, de sorte qu’ils en parlaient en employant le terme général de « pierre ». Pour faire la distinction entre les différentes pierres précieuses et les pierres ordinaires, ils ont appelé les premières « belles pierres », sauf qu’ils donnaient également ce nom aux pierres qui s’étaient formées naturellement et dont les formes bizarres leur procuraient une valeur esthétique.

Quelques amoureux des pierres

Les Chinois, en particulier les intellectuels, ont un amour spécial pour les belles pierres uniques qu’ils considèrent comme des « chefs-d’œuvre de la nature », et ils personnifient souvent leurs caractéristiques en se basant sur un concept philosophique selon lequel existe une « unité entre l’homme et la nature ». Beaucoup de Chinois collectionnent des pierres de valeur esthétique, installent de grosses pierres comme décorations architecturales dans leur jardin et enchâssent des petites pour les placer sur des bureaux et des étagères comme ornement pour leur demeure. Les amoureux des pierres découvrent toujours un lien émotif avec des pierres uniques et perçoivent des attributs personnels aux rochers. Beaucoup d’hommes de lettres célèbres de la Chine antique étaient des amoureux des pierres, dont les poètes Bai Juyi et Du Fu, de la dynastie des Tang (618-907), ainsi que Mi Wanzhong, de la dynastie des Ming (1368-1644).

Mi Wanzhong (1570-1628) était un officiel et un lettré. Il aimait lire et était un esprit universel. Ses peintures et ses calligraphies étaient hautement respectées pour leur élégance et leur bon goût. Il était tellement connu comme amoureux des pierres qu’on l’a surnommé l’« Ami des pierres ». La pierre énorme qui se dresse maintenant sur une base en marbre blanc, dans la cour du palais de la Joie et de la Longévité, au palais d’Été à Beijing, est un témoignage de son obsession pour les pierres.

Pour décorer le jardin de sa maison, alors qu’il demeurait à Beijing (où il occupait un poste qui, aujourd’hui, serait l’équivalent de vice-ministre des Transports), cet homme a parcouru les monts autour de la capitale et a finalement découvert, à Fang-shan, une pierre énorme qui semblait avoir poussé tout droit du sommet d’une colline. Il a grimpé au sommet pour s’incliner devant cette pierre et s’est pâmé d’admiration pour elle. Il a donc décidé de l’installer dans son jardin. Il a dépensé sans retenue pour embaucher des ouvriers qui allaient extraire cette pierre, ouvrir une route de montagne et creuser des puits à intervalles réguliers le long de cette voie. L’hiver venu, il a demandé à ces ouvriers d’arroser la route et a loué des dizaines de chevaux pour traîner la pierre sur cette voie glacée. On dit qu’avant qu’elle n’arrive à Liangxiang, Mi Wanzhong avait dépensé tout son argent et a été forcé de laisser cette énorme pierre où elle était.

Quand l’empereur Qianlong des Qing (1644-1911) s’est arrêté dans cette région, alors qu’il allait rendre hommage à ses ancêtres aux tombeaux impériaux de l’Ouest (situés dans le district de Yixian, Hebei), il a entendu parler de cette pierre et a demandé de la voir. Étant également tombé sous son charme en raison de son caractère unique, il a ordonné qu’elle soit transportée au palais d’été, à Beijing.

L’« empereur des pierres »

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La pierre énorme qui se dresse au palais d’été, à Beijing, est un témoignage de l’obsession de Mi Wanzhong pour les pierres.

Lorsque l’empereur Huizong a accédé au trône, en 1101 (il a gouverné jusqu’en 1127), la dynastie des Song du Nord amorcait déjà son déclin. Malgré cela, ce nouvel empereur se préoccupait peu de l’intérêt national et utilisait son pouvoir pour s’adonner à ses passe-temps personnels. Un exemple frappant concerne son utilisation des ressources pour la construction du jardin impérial Genyue, à Bianliang, capitale des Song (l’actuelle Kaifeng, au Henan).

La construction a commencé en 1117 et a été achevée six ans plus tard. Selon L’Histoire de la dynastie des Song : Annales de la géographie, des plantes et des pierres étranges de diverses parties du pays « ont convergé » dans le jardin. À la différence des jardins précédents qui avaient hérité de la formule traditionnelle d’« un étang et trois rocailles », instaurée pendant les dynasties des Qin (221 – 206 av. J.-C.) et des Han (206 av. J.-C. – 220 apr. J. C.), dans le jardin Genyue, d’une circonférence de trois kilomètres, on trouvait un grand nombre de rocailles énormes. Les deux cimes principales, la plus élevée ayant 150 m, se dressaient respectivement dans le sud et dans le nord et s’étendaient d’est en ouest en deux tronçons qui se refermaient peu à peu à l’extrémité. Au centre, c’était un terrain plat. L’empereur Huizong a décerné différents titres aux pierres qu’il y avait fait apporter et a décerné des ceintures d’or à certaines d’entre elles. Il les a également cartographiées.

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Stèle sans caractères, de Wu Zetian

Bianliang était située près du fleuve Jaune et ne disposait ni de collines ni de pierres naturelles qui auraient pu être employées pour construire un jardin. La région du lac Taihu, dans le Jiangsu, était et est toujours la meilleure région de production de pierres de jardin. L’empereur Huizong a donc établi un bureau spécial à Suzhou, située tout près, et a donné à ce bureau le mandat de rassembler des plantes à fleurs uniques et des pierres. Parallèlement, les fonctionnaires des gouvernements central et local ne ménageaient aucun effort pour que l’empereur puisse s’adonner à son passe-temps. Ils ont utilisé leur pouvoir et mobilisé des ressources militaires et civiles pour extraire et transporter des pierres. Le lac Taihu était situé à quelque 1 000 km de Bianliang, et les pierres offertes en tribut, extraites dans la région, étaient habituellement énormes. Selon les registres, le Bureau de collecte des tributs de Suzhou « a fait l’acquisition d’une pierre énorme au lac Taihu, laquelle dépassait 10 m de largeur et de longueur; elle a été transportée par un gros bateau, tiré par 1 000 personnes et a nécessité qu’on élargisse la voie d’eau, qu’on enlève des ponts, qu’on démolisse des barrages et qu’on démantèle des écluses. Il a fallu plusieurs mois pour que la pierre arrive à destination. »

À l’hiver de 1126, une décennie après l’aménagement du jardin Genyue, les troupes des Jurchen (Jin) l’ont pillé et ont volé des rocailles. Durant le transport, certaines pierres, trop lourdes, ont dû être abandonnées. Les pierres restantes ont finalement été laissées à Yanshan (maintenant Beijing, qui a été la capitale des Jin peu après qu’ils ont eu envahi la région). Aujourd’hui, ces pierres peuvent encore être vues à Beijing, dont au parc Beihai, au Palais impérial, au parc Zhongshan et au palais d’Été.

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Sceau en pierre Tianhuang, de la dynastie des Qing Trois sceaux Tianhuang enchaînés ensemble.

Les jardins de Suzhou ont également quelques pierres du lac Taihu qui, au départ, étaient destinées au jardin Genyue, mais qui n’ont pas pu être transportées. La plus célèbre est la « Cime encapuchonnée de nuages » du jardin Liuyuan (Attardez-vous); elle a 5,6 m de haut.

Témoins de l’histoire

Avec le développement de la gravure, la pierre a été employée couramment en architecture ornementale et dans la construction de tombeaux. Elle est ainsi devenue un témoin fidèle de l’histoire chinoise. La dynastie des Han est exceptionnelle pour ce qui est des tombeaux de grande valeur, et beaucoup de gravures sur pierre de cette dynastie ont été déterrées, dont l’une avec un motif de filage et de tissage. Cette dernière présente de manière vivante l’industrie textile familiale de cette dynastie ainsi que les métiers à tisser à pédale, utilisés il y a 2 000 ans et dont la technologie était très avancée pour l’époque.

Pour les gens d’aujourd’hui, les inscriptions sur stèles de même que les inscriptions rupestres et sur falaises illustrent fidèlement le passé. C’est le mont Taishan (Shandong) qui abrite le plus grand nombre d’inscriptions sur falaises laissées par diverses dynasties. La plus ancienne est un décret impérial écrit par le premier ministre Li Si de la dynastie des Qin. Parfois, même des stèles en pierre qui sont restées vierges parlent d’elles-mêmes, comme celle qui se dresse devant le mausolée de l’impératrice Wu Zetian. La décision de cette impératrice de laisser l’histoire parler d’elle-même, en laissant en blanc la stèle de son tombeau, a permis aux gens d’aujourd’hui de décoder les messages tacites qui sont écrits entre les lignes des registres. Ainsi, ils découvrent d’eux-mêmes le sens de la gouvernance et le charisme de cette femme d’État.

Des pierres d’une valeur inestimable

Certaines pierres sont plus précieuses que l’or, notamment la pierre Tianhuang du Fujian. Durant la dynastie des Qing, le gouverneur du Fujian a offert à l’empereur Qianlong un ensemble de trois sceaux enchaînés ensemble qui avaient été fabriqués à partir d’un seul bloc de pierre Tianhuang. L’empereur a beaucoup apprécié ces sceaux et les a soigneusement conservés en tant que trésor de la famille impériale. À la chute de la dynastie des Qing, le dernier empereur Puyi a cousu les trois sceaux à l’intérieur de sa robe ouatée et a ainsi pu les sortir du palais.

Pierre_ornementale
Pierre ornementale « Sang de poulet »

On dit que cette pierre avait été produite dans le champ d’une ferme de moins d’un kilomètre carré, à Shoushan, au Fujian. Puisqu’elle a une couleur jaunâtre, la pierre a été nommée Tianhuang (champ jaune). Sa texture douce en a fait un matériau de premier choix pour la gravure. Pendant les dynasties des Ming et des Qing, cette pierre était populaire comme tribut impérial et on l’a surnommée « pierre impériale ». On dit que ce champ a produit seulement 100 kg de pierre Tianhuang avant d’être épuisé. Par conséquent, les pierres Tianhuang qui restent aujourd’hui ont une très grande valeur. Pesant 74,4 g, une sculpture d’un animal, exécutée sur une pierre Tianhuang, a été vendue l’an dernier à plus d’un million de yuans, un montant plus élevé que l’or.

La pierre « Sang de poulet » produite à Changhua (au Zhejiang) a une valeur comparable à la pierre Tianhuang, et le mot « fou » est souvent employé pour décrire le prix qu’elle décroche parfois.

En somme, au cours des millénaires, la pierre a toujours accompagné le genre humain dans les hauts et les bas qu’il a vécus.

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