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Le blog de Xiu
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31 décembre 2008

Un art populaire: les figurines d’argile

Le_conte_du_serpent_blanc

Scène de l’opéra de Pékin Le conte du serpent blanc, modelée par Zhang Mingshan

En tant que forme d’art, les figurines d’argile ont une longue histoire en Chine. Autrefois, elles étaient modelées en jouets et en décorations de maison ou servaient de symboles spirituels particuliers. On les trouvait à peu près exclusivement dans les maisons des gens ordinaires, car les nobles les considéraient comme trop rustiques. Il y a toutefois eu une exception : pendant la dynastie des Qing (1644-1911), un modeleur de figurines d’argile populairement connu sous le nom de « Zhang, les figurines d’argile » [Zhang Mingshan (1826-1906) de son vrai nom] a été présenté à l’impératrice douairière Cixi. Cette dernière est par la suite devenue une collectionneuse passionnée de ses œuvres.

Un personnage légendaire de cet art

Zhang Mingshan était originaire de Shaoxing, province du Zhejiang. Alors qu’il était encore enfant, il a quitté la maison pour aller gagner la vie de la famille avec son père; ensemble, ils ont abouti à Tianjin, alors un centre important de production de poterie. Le père apportait l’argile aux fours, et dans ses temps libres, il modelait des figurines et les vendait pour se faire un peu plus d’argent. La vie était difficile, et le jeune Zhang a dû abandonner l’école après quelques années pour devenir l’apprenti de son père.

Vers la fin de la dynastie des Qing, Tianjin était une ville commerçante animée qui tirait sa prospérité de son statut de port commercial et de carrefour des échanges entre la Chine et l’Occident. C’est dans cet environnement cosmopolite que Zhang a développé une fascination pour la culture occidentale. Cette culture le fascinera toute sa vie. Dans ses dernières années, il a utilisé cette fascination comme source d’inspiration artistique. À ce moment-là, les figurines d’argile étaient surtout des jouets bon marché, rustiques et au dessin exagéré, ou alors elles étaient perçues, tel qu’on les appelait alors, comme des « poupées à grosse tête ». Influencé par le réalisme occidental, Zhang Mingshan a commencé à modeler des figurines d’argile selon cette école artistique.

Remarquant que, pour préparer une bonne peinture, les artistes occidentaux esquissaient souvent des scènes de la vie réelle, le jeune Mingshan a commencé à observer les gens, entre autres en se tenant aux coins des rues et en étudiant les sculptures qui se trouvaient dans les temples et les édifices anciens. Son passe-temps préféré était d’aller à l’opéra de Pékin et d’y modeler dans de l’argile mouillée les différents personnages qui étaient sur scène; ses yeux étaient alors rivés sur les personnages qu’il était en train de modeler. Il rapportait à la maison les « esquisses » qu’il considérait comme valables et il les améliorait avant de les cuire pour en faire des œuvres finales.

Comme les maîtres du lavis des temps anciens, Zhang a essayé de s’assurer que chacun des personnages qu’il dépeignait était ressemblant, non seulement dans la forme, mais également dans l’expression et l’attitude. Ses contemporains qui l’admiraient ont décrit ses œuvres comme « ressemblant à la chose ou à la personne qu’il modelait ».

La_vendeuse_de_cr_pes

La vendeuse de crêpes, Tianjin

En 1844, Yu Sansheng, une étoile de l’opéra de Pékin, était en tournée à Tianjin. À plusieurs occasions, Zhang Mingshan s’est empressé d’aller assister aux représentations de cet artiste et il en a modelé une figurine tout à fait exquise. En un rien de temps, la nouvelle s’est répandue que la figurine d’argile de Zhang était une reproduction exacte, en miniature, de Yu Sansheng. On disait que la seule différence était que la figurine ne pouvait pas respirer comme le vrai personnage. Cette œuvre a fait la renommée de « Zhang, les figurines d’argile ». Il n’avait alors que 18 ans.

Chat_ver___soie

Chat-ver à soie, Huishan

À une autre occasion, Liu Gansan, un maître des rôles de clown, a donné une représentation à Tianjin. Il n’était pas sitôt monté sur scène qu’il en redescendit; réapparaissant peu de temps plus tard, il déclara alors aux spectateurs : « J’avais remarqué que “Zhang, les figurines d’argile” était assis parmi vous, et j’étais très inquiet au seul fait de penser qu’il eut pu modeler son argile en une image désavantageuse de moi. » L’assistance éclata de rire. Les adeptes de l’opéra de Pékin aimaient l’esprit et l’humour de Liu Gansan, mais cette histoire témoigne également de la grande popularité de Zhang à cette époque.

Parmi les nombreuses innovations de Zhang, on retrouve l’introduction dans ses œuvres de la technique raffinée du pinceau et de la couleur, typique de la peinture chinoise traditionnelle, ainsi que l’approche à grands traits de l’art populaire que l’on observe dans les estampes du Nouvel An, imprimées avec des blocs en bois. Selon le statut social et le caractère du personnage qu’il voulait représenter, il appliquait l’une ou l’autre de ces techniques. Son traitement habile (tant conceptuel que plus grossier), ainsi que ses styles artistiques chinois et occidental, ont été hautement louangés par l’artiste chinois Xu Beihong qui, à Tianjin dans les années 1930, avait vu deux des œuvres de Zhang. Il avait alors eu le commentaire suivant : « Précision exceptionnelle de la proportion, exactitude de la structure osseuse et vivacité de l’expression. »

Le_pavillon_des_Pivoines
Figurines dépeignant Le pavillon des Pivoines de l’opéra Kunqu, Huishan
Une brillante carrière artistique a inévitablement donné une vie digne d’un roman. Un jour, Zhang a été sommé de venir à Beijing pour y servir en tant qu’« artisan impérial » et il y a reçu un traitement privilégié de la part de la famille impériale. On lui a offert une maison avec cour, des domestiques et des assistants. Les nobles et les hauts fonctionnaires lui demandaient respectueusement de faire leur portrait. Aujourd’hui, plusieurs de ses œuvres se trouvent dans les collections impériales au Musée du Palais impérial de Beijing et au Palais d’Été. Toutefois, en tant qu’artisan impérial, Zhang a perdu la liberté dont il jouissait auparavant, alors qu’il n’était qu’un simple artiste populaire, mais il n’a jamais perdu son intégrité artistique.

Après de nombreuses années, Zhang a finalement quitté la capitale, abandonnant toute faveur impériale et les récompenses matérielles qui allaient de pair. Il est resté quelque temps à Shanghai avec Ren Bonian, un grand artiste du temps, avant de revenir à Tianjin. Son art a exercé une grande influence à Beijing et à Tianjin et ses descendants de la sixième génération perpétuent encore cet art.

Gros Afu, un garçonnet grassouillet

Les images d’enfants ont toujours été un thème dominant de ce type d’artisanat. Pendant la dynastie des Song du Sud (1127-1279), la ruelle Zhuanjie de Hangzhou était un lieu de rassemblement d’artisans de figurines d’argile. Ils fabriquaient et vendaient essentiellement de ces poupées, de sorte que la ruelle a été peu à peu connue comme la « ruelle des Poupées ». Bien qu’on n’y voit plus ces jouets d’argile, en souvenir des affaires jadis florissantes de ce type de poupées, la ruelle a gardé son surnom.

Dans les siècles qui ont suivi, principalement pendant la dynastie des Ming (1368-1644), Huishan, qui relevait de Wuxi (Jiangsu), s’est développée en un centre important de fabrication de figurines d’argile. Elle l’est encore aujourd’hui. Les premières figurines d’argile de Huishan étaient surtout des jouets d’enfants, notamment des Gros Afu et des chats. Par la suite, des figurines de personnages d’opéra ont également été développées. Gros Afu est une figurine représentative de l’art du modelage de l’argile de Huishan. Elle représente, de façon stéréotypée, un garçonnet adorable et grassouillet nommé Afu; ce nom signifie « heureux ».

Gros Afu est habituellement assis, les jambes croisées, et ses longues oreilles pendent jusqu’à ses épaules. Il tient un lion dans ses bras, affiche un large sourire et porte une coiffure à l’ancienne. Puisque les Chinois aiment bien présenter les choses en paires, une fille semblable à Afu a été ajoutée plus tard.

Les chats d’argile de Huishan sont également connus comme les « chats-vers à soie » parce que les sériciculteurs les utilisaient autrefois pour tenir les rats éloignés de leurs vers à soie. Ici, l’approche artistique est réaliste. La plupart du temps, les chats-vers à soie sont assis sur leurs pattes arrière et ont les yeux grands ouverts. Comme chez les tigres, leur pelage porte des rayures jaunes et noires. Leurs moustaches blanches qui se balancent sous le vent servent à la fois à décorer et à effrayer les rats.

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Gros Afu, Huishan

Bœufs accroupis, Fengxiang

Voisine de Kunshan qui est le berceau de l’opéra Kunqu, Wuxi en compte aussi de nombreux adeptes. C’est ainsi que les figurines d’argile de Huishan représentant des personnages d’opéra y ont également été très développées. Les artisans locaux façonnaient dans l’argile des scènes et des personnages de leurs opéras Kunqu préférés, et ce type d’œuvres était connu comme les « opéras faits main ».

Les figurines d’opéra de Huishan sont fabriquées différemment de celles de « Zhang, les figurines d’argile », car elles sont modelées par étapes. La tête est la première à être fabriquée avec un moule; ensuite, l’artiste modifie l’expression du visage pour l’harmoniser au caractère avant d’y fixer, le cas échéant, un chapeau, une barbe ou une moustache. Après avoir terminé les deux bras, l’artiste façonne les jambes, puis le corps. En dernier lieu, il fixe la tête et les bras.

Les figurines de Huishan n’ont pas pour objectif premier d’être réalistes, et leur tête est le plus souvent disproportionnellement grosse. Dans leurs œuvres, les artisans prêtent une grande attention aux expressions du visage, car ces dernières définissent le caractère et sont considérées comme une illustration éloquente du niveau technique de l’artiste.

Les tigres de Fengxiang

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Tigre assis, Fengxiang

Finalement, les figurines d’argile de Fengxiang (Shaanxi) reflètent l’audace et la rusticité typiques au plateau de lœss. Autrefois connue comme Yongzhou, Fengxiang est le berceau de la dynastie des Qin (221–207 av. J.-C.) et une ville importante sur la route de la Soie. On dit que son art de l’argile remonterait au début de la dynastie des Ming, il y a 600 ans. Après la victoire finale des troupes des Ming, un groupe de soldats, auparavant potiers au Jiangxi, sont restés dans le village de Liuying de Fengxiang. Pendant la saison morte, ils façonnaient de la poterie en utilisant de l’argile, du coton brut, des chiffons et des rebuts de papier.

Les œuvres de Fengxiang appartiennent à trois catégories : les jouets – surtout les 12 animaux symboliques des rameaux terrestres; les décorations à suspendre – les masques et les têtes de tigre, de bœuf, de lion et d’autres animaux significatifs; et les personnages humains. C’est probablement à cause des origines militaires de la ville que le tigre a été un thème important dans l’art de Fengxiang.

Dans la culture chinoise, le tigre est respecté comme l’animal le plus puissant et il symbolise l’héroïsme. Pour les gens ordinaires, il est un animal majestueux qui dévore les démons et les mauvais esprits, et son héroïsme peut les protéger contre le malheur. Le tigre est également le symbole de la longévité, car les Chinois anciens croyaient qu’il pouvait atteindre l’âge de 1 000 ans. Au Shaanxi, de nombreux villageois préparent, comme partie de la dot pour leur fille qui est fiancée, une paire de tigres à suspendre qui l’accompagnera et la protégera dans sa nouvelle vie. Pendant les fêtes, ils suspendent également à leur porte des tigres qui garderont leur maison. L’importance accordée au tigre est bien illustrée par l’omniprésence de cet animal sur les jouets, les chaussures, les chapeaux et les oreillers des enfants.

Tigre___suspendre

Tigre à suspendre, Fengxiang

Les figurines d’argile de Fengxiang sont peintes de couleurs vives ou en noir et blanc, et pour la plupart, elles sont considérées comme un type d’amulettes. Les tigres à suspendre, aux couleurs contrastées, ont des fronts aux motifs de fleurs et des yeux exorbités. Deux poissons leur servent de sourcils, et leur nez est une combinaison des organes sexuels mâle et femelle, ce qui évoque la vénération que l’on vouait au phallus dans le passé. Il y a aussi une autre explication : dans la philosophie chinoise, l’union du yin et du yang, deux opposés, est à l’origine de l’univers.

En tant qu’art populaire, les figurines d’argile existent aussi dans plusieurs autres provinces (Shandong, Hebei, Shanxi, Zhejiang, Anhui, Gansu, Sichuan et Liaoning) et des villages sont connus pour leur pratique de cet artisanat ancien.

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