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Le blog de Xiu
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27 septembre 2007

Voyage au berceau des arts martiaux

p66Les Chinois aiment dire qu'il y a trois trésors principaux dans leur pays : la cuisine, la médecine et les arts martiaux. Dans le monde, le monastère de Shaolin (province du Henan) est l’un des endroits célèbres en arts martiaux. Récemment, j’y suis allée pour vérifier ce fait de mes propres yeux. En route, je me suis arrêtée dans un village assez peu connu des étrangers : Chenjiagou. Cependant, presque tous les Chinois savent que ce village est le lieu de naissance du tai-chi, l’un des arts martiaux les plus populaires. L'auteur du style de tai-chiqui y est enseigné est Chen Wengtian, et ses descendants des 12e et 13e générations vivent toujours dans ce village.

Le tai-chi à la façon des Chenp66a

Dans la maison des Chen, chaque matin commence de la même façon : tous les membres de la famille sortent dans la cour et pratiquent le tai-chi pour se donner de l'énergie. Puis, le chef de la famille, Chen Xiaoxing, prend son vélo (le seul objet de luxe que possède la famille) pour se rendre à l'école qui a été fondée par son grand-père. Cette école a été construite en 1951, avec l’argent de la famille; ces années-ci, des gens de partout viennent y étudier.

Parmi ses étudiants, l’école de Chenjiagou compte beaucoup d'adolescents turbulents; les parents désespérés les envoient à cette école, car ils sont incapables de les maîtriser. Là, on leur impose une discipline stricte et on leur enseigne l'indépendance. Le plus jeune étudiant n’a que 4 ans, mais il n’y a aucune limite supérieure d’âge. Pour beaucoup des plus âgés, l'école des Chen a été recommandée par des médecins qui leur ont dit : votre maladie ne peut pas être traitée par des médicaments courants; essayez le tai-chi. Et cela fonctionne! C’est que le style de tai-chide Chen n'est pas seulement un art, mais avant tout des exercices qui visent à renforcer et à préserver la santé.

Chen Ziqiang, 28 ans, perpétue la tradition familiale; son travail, c’est le tai-chi. Quand on lui demande ce qui distingue le style de tai-chide sa famille, celui-ci commence à parler non pas de coups de pieds et de coups de poing, mais de… philosophie. Selon ses dires, c'est l’esprit, pas le corps physique, qui réussit à conquérir un rival, et quelqu’un doit se sentir victorieux bien avant de décocher le premier coup. « Les mouvements doivent être souples et fluides comme un liquide, car ce qui est doux va conquérir ce qui est dur. Tous les exercices du style de notre famille démontrent le principe philosophique portant sur la naissance du mouvement à partir du repos, de la transition du peu au beaucoup. »

Franchement, je ne m’attendais pas à de tels propos venant d’une personne capable de jeter quiconque par terre d’un léger contact du doigt Je l'ai constaté de mes propres yeux.

Force intérieure et extérieure

Le style de la famille Chen appartient au style d’arts martiaux « intérieurs ». Les Chinois disent souvent que « chaque ville a son propre dialecte, chaque région, son propre style de wushu ». Dans bien des cas, il n’y a que les experts qui peuvent faire la différence, mais entre les styles intérieur et extérieur, la différence est essentielle.

Dans le style « intérieur », la chose la plus importante est de cultiver le qi, l'énergie, qui peut être employée à la fois pour l'automédication et pour le combat. Ceux qui maîtrisent vraiment le qi peuvent faire des choses que les non-initiés appellent des miracles : se jeter sur des lances acérées; tenir son corps seulement sur quatre piques (toujours très pointues); se suspendre en position de « lotus »; ou jongler facilement avec une boule de 15 kg. Tous ces « miracles » ont leur explication : le « qigong dur ». N’importe qui peut le maîtriser; ce n’est qu’une question d’intensité et de durée de formation.

Le style « extérieur » fait appel aux facteurs que sont la force, la vitesse, la vigueur et la fermeté. Le kung-fu de Shaolin, un style de combat dur, est célèbre pour cela. On le pratique au monastère de Shaolin, construit en 498.

Histoires sur Shaolin

Selon une légende, le kung-fu de Shaolin a été inventé par le moine indien Bodhidharma, Damo de son nom chinois. Il a médité pendant neuf ans dans une grotte, et entre ses méditations, il a créé une gamme d’exercices imitant certains mouvements de différents animaux. Plus tard, cette gamme est devenue ce qu’on appelle maintenant le kung-fu de Shaolin. D'ailleurs, Bodhidharma est également le fondateur de l’école Chan du bouddhisme, plus connue dans le reste du monde sous le nom d’école Zen.          Lévitation, en utilisant le qigong

p69Le premier disciple de l’école Chan a été le moine Huike Il est également célèbre en raison de la légende « Neige rouge ». On dit que, dans sa jeunesse, il était taoïste. (Il faut savoir que, en Chine, par tradition, la main droite symbolise le bouddhisme et la main gauche, le taoïsme.) La première fois que Huike a demandé à devenir disciple de Bodhidharma, il a été refusé. Il a alors attendu pendant des heures à l’extérieur du pavillon dans lequel priait le célèbre moine. Même alors qu’il était presque entièrement recouvert par une chute de neige inattendue, il ne bougeait pas. Impressionné, mais tout de même inflexible, Bodhidharma a déclaré : « Vous deviendrez mon disciple seulement si cette neige tourne au rouge ». Huike a alors coupé sa main gauche (celle qui symbolise le taoïsme) et la neige est devenue rouge. C’est donc ainsi que Huike est devenu le principal disciple de Bodhidharma.

Les moines de Shaolin célèbrent cet événement : à la différence d'autres monastères bouddhistes dans le monde, ils se saluent entre eux et saluent les invités d’une seule main:la droite. Très souvent, lorsque les moines portent des vêtements traditionnels, leur main gauche est laissée à découvert; c’est une autre particularité de la tradition de Shaolin.

Mais que les idéalistes se le tiennent pour dit : en dépit de l’histoire millénaire du monastère et du kung-fu, de nos jours, il est pratiquement impossible d'être témoin de « l'histoire vivante » de cet endroit. En effet, en 1928, presque tous les bâtiments du monastère ont été détruits par un vaste incendie qui a duré 40 jours. Maintenant, le monastère a retrouvé sa gloire du passé et, à bien des égards, c’est grâce à la célèbre tradition des arts martiaux et aux efforts de son actuel supérieur, si dynamique, Shi Yungxin. De toute l'histoire de Shaolin, il est, à 40 ans, le plus jeune à avoir occupé ce poste.

Je lui ai posé une question qui me trottait dans la tête depuis des années : comment le bouddhisme, une religion tout à fait pacifique, peut-il s’harmoniser avec les arts martiaux pour lesquels le monastère est si célèbre? Et le supérieur de répondre : « Le véritable enseignement du wushu de Shaolin combine la pratique de la contemplation, en position assise et en silence, avec des exercices physiques. La pratique du wushu et la méditation sont deux manières de pratiquer le bouddhisme. L'enseignement de l’école Chan indique que marcher, s’asseoir, se reposer, etc., toutes ces actions sont aussi de la contemplation. Le wushu de Chan n’est qu’une des façons d’atteindre le nirvana. Notre monastère est le plus vieux en Chine, et nous suivons des traditions et des coutumes ancestrales. Le wushu est la principale activité de nos moines ».

Cependant, les moines recherchent surtout l’harmonie du corps et de l'âme, car la force spirituelle ne devrait pas être inférieure à la force physique. Le véritable disciple de l’école Chan devrait toujours être tranquille et serein.

Le moine Shi Yanyu, un jeune de 19 ans aux muscles impressionnants, nous a conduits à son lieu favori sur le territoire du monastère : la forêt de Pagodes. De nombreux moines célèbres y sont enterrés. Selon lui, cet endroit déborde d'énergie.

C’est depuis son enfance que Shi Yanyu s’intéresse au wushu. Il dit : « Je suis né dans une famille très pauvre, dans la province voisine du Shandong, et mes parents n’avaient pas suffisamment d’argent pour m'envoyer dans une école d'arts martiaux. Je m’exerçais seul, grimpais souvent par-dessus la clôture de l’école, observais l’entraînement des étudiants et étudiais en m’en inspirant. Il y a deux ans, je suis venu à Shaolin en pensant que même si je n'avais eu qu’une chance sur mille d’être accepté, je me devais d’essayer. J'ai alors rencontré Shi Yungxin; c’est une personne tellement aimable! Il m'a accepté au monastère, m'a donné l’occasion d’y vivre et de pratiquer le kung-fu. »

Aujourd'hui, comme des dizaines d’autres moines, Shi Yanyu vit selon des règles monastiques sévères : lever à 5 h, exercices pendant plusieurs heures chaque jour, méditation, étude de l'anglais, de l'histoire et de la géographie; au monastère de Shaolin, on croit en effet que « le moine moderne devrait posséder de vastes connaissances. »

Tous les moines bouddhistes sont des végétariens stricts. Ils prient avant chaque repas, et pendant celui-ci, les moines doivent respecter trois règles sévères : ne pas parler, ne pas faire preuve d’impatience et ne rien frapper avec leurs baguettes.

Aujourd'hui, Shaolin est une structure qui s’autoadministre, et tous les revenus tirés des billets d'entrée vont à la trésorerie du monastère. C'est une grande attraction touristique et un nom devenu marque déposée. Le monastère possède également son propre site Web, et la troupe Guerriers de Shaolin donne des représentations un peu partout dans le monde.

Des poings pour la bonne cause

Il n’y a pas que les moines qui sont à la recherche de leur spiritualité à Shaolin. Des milliers de jeunes de Chine et d'autres pays y viennent chaque année. Le véritable boom a commencé au début des années 1980, après la sortie d’un film sur le monastère de Shaolin dans lequel jouait Jet Li. Des gens disent que des garçons sont restés à genoux pendant des jours devant les portes principales du monastère, suppliant les autorités de les accepter comme disciples. Une solution a été bientôt trouvée : aujourd'hui, il y a près de 80 écoles d'arts martiaux autour du célèbre monastère. Toutes enseignent le kung-fu de Shaolin, mais chaque école a ses propres caractéristiques et secrets. Toutes les personnes à qui j’ai parlé ont déclaré : le wushu et le kung-fu ne sont pas des disciplines statiques, elles évoluent constamment; la tradition est très vivante.              Démonstration du tai-chi de style Chen

p70La question suivante est souvent posée : le wushu et le kung-fu, est-ce la même chose? Pas exactement. En Chine, le terme wushu se traduit par « arts martiaux » et il en inclut tous les styles et variantes. Le kung-fu signifie un niveau supérieur de maîtrise. La différence est comme celle entre le sport de masse et le sport professionnel.

Toutes les écoles d'arts martiaux de Shaolin sont privées et ont été construites à partir des économies personnelles de leur directeur et de prêts bancaires. Y étudier coûte environ 6 000 yuans, ce qui est cher pour les familles chinoises moyennes, mais beaucoup de parents considèrent cette dépense comme un bon investissement.

Ces écoles admettent des enfants dès l’âge de quatre ans. L’emploi du temps est aussi strict qu’au monastère : lever à 5 h et exercices pendant quatre à cinq heures par jour. Des cours réguliers sont également au menu, mais ils n’ont pas la même importance que dans une école ordinaire. Les étudiants ont-ils des temps libres? Oui, mais pas plus qu'une heure et demie par jour. Habituellement, durant ces minutes libres, ils font leur lavage (tous les étudiants lavent leurs vêtements eux-mêmes et le font à la main) et - naturellement! - ils pratiquent leurs techniques d’arts martiaux. La base de toutes ces écoles est une discipline de fer et le principe confucéen d’obéissance et de respect des plus âgés.

La plupart des diplômés de ces écoles s'inscrivent par la suite dans des universités de culture physique, et beaucoup s’engagent dans la police ou dans les forces militaires. Beaucoup d’autres aussi deviennent gardes de sécurité, car leurs habiletés en kung-fu sont importantes pour ce travail. Naturellement, il y a beaucoup d'étudiants qui, inspirés par Jacky Chang et Jet Li, rêvent de réussir dans le milieu du cinéma.

Le tai-chi de style Chen pour tous les âges

p71Dans les écoles d'arts martiaux de Shaolin, comme dans l'école de la famille Chen, à Chenjiagou, les enfants incontrôlables mûrissent très rapidement et s’habituent rapidement à l’autonomie. Avec l'aide des arts martiaux, qui font partie intégrante de la culture chinoise traditionnelle, ils apprennent à être fiers de leur pays et de son histoire.

De nos jours, il y a beaucoup d’étrangers parmi les étudiants en arts martiaux à Shaolin. Cependant, plusieurs des habiletés qui sont facilement maîtrisées par les Chinois le sont plus difficilement par les étrangers. C’est que, dans beaucoup de cas, les mouvements d’arts martiaux ont été conçus pour des silhouettes asiatiques. De plus, la plupart des styles de wushu exigent de la flexibilité des articulations, une condition normale pour les Chinois et les Asiatiques, mais qui est presque au-delà des capacités des Occidentaux. Ainsi, le progrès d’un étudiant étranger dépend beaucoup d'un professeur qui peut « sentir » les capacités et les limites du corps d’un étudiant et lui établir un programme individuel de formation. Contrairement aux classes chinoises regroupant jusqu'à 40 étudiants par professeur, dans les classes d’« étrangers », un professeur travaille avec seulement trois à quatre étudiants. Les progrès sont rapides, mais ils ont un prix : un minimum de 6 000 $US par année. En dépit de ces frais, la liste de ceux qui souhaitent s'inscrire dans une école de Shaolin semble sans fin.

Jeunes praticiens du tai-chi de style Chenp72

Des élèves issus d’une école d’arts martiaux devant la porte principale du monastère de Shaolin.1p72n

Bien sûr, la popularité du wushu et d'autres formes d'arts martiaux a diminué de manière importante après l’invention des armes à feu. Quels que soient l’intensité de l’entraînement ou le style de combat, une balle est plus rapide. Les maîtres chinois le savent fort bien. Les arts martiaux sont d’abord et avant tout le renforcement des capacités et l’actualisation du potentiel physique d’un individu en vue de l'autodéfense, de l’amélioration de la santé et de la préservation de la culture traditionnelle.

De plus, comme discipline sportive, le wushu a un grand potentiel. La Fédération internationale de wushu regroupe 86 associations nationales, un nombre suffisant pour faire la demande d’inscription au programme olympique. Aux Jeux olympiques de 2008 à Beijing, le wushu participera en tant que sport de démonstration.

Big-bisous à toutes et à tous. @+Domi&Xiu.ReporterchineXiu

Tai-chi de style Chen

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